Alors que la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) vient de lancer une campagne visant à inciter les bailleurs à ''éco-rénover'', engager ces travaux en copropriété s'avère difficile malgré des ''avancées'' obtenues au Grenelle 2, selon l'association Planète Copropriété, créée fin 2009 par les membres du Plan Bâtiment Grenelle. Dans le privé, la décision de réaliser des travaux de rénovation doit en effet être approuvée à la majorité des voix de tous les copropriétaires, selon la loi de 1965. Quant au propriétaire bailleur, celui-ci possède en moyenne trois logements loués, ce qui ne facilite pas la décision…
Grenelle 2 : des procédures de décisions assouplies
Comment arriver à obtenir des décisions collectives plus facilement ? S'il est déjà difficile d'avoir un accord sur des travaux concernant les parties communes, comment imposer à un propriétaire d'entreprendre des travaux dans ses parties privatives ? La question de la majorité nécessaire pour décider des travaux était à l'ordre du jour de la loi Grenelle 2, promulguée le 13 juillet 2010, à la demande du groupe du travail. Les règles de vote en copropriété ont ainsi été assouplies et modifient la loi de 1965. Tous les travaux d'économie d'énergie, comme l'installation de matériels utilisant les énergies renouvelables, pourront désormais être décidés à la majorité simple. Jusqu'à présent, seuls les travaux amortissables sur moins de dix ans pouvaient être votés à la majorité selon la loi de 1965, a rappelé Bruno Dhont, directeur de l'Association des responsables de copropriété (ARC), membre de Planète Copropriété.
La loi a également introduit la notion de travaux d'intérêt collectif en copropriété. Sont également concernés : les travaux réalisés sur les parties privatives (fenêtres isolantes, par exemple) et aux frais du copropriétaire du lot, sauf si des travaux équivalents ont été réalisés dans les dix années précédentes. Cette disposition peut toutefois ''donner lieu à des problèmes d'interprétation'', appréhende Bruno Dhont. ''Si par exemple, le copropriétaire a réalisé des travaux 5 ans avant, mais qu'il s'agit de travaux de qualité différente, cela pourra susciter des difficultés'', a-t-il précisé début juillet, à l'occasion d'un colloque organisé par Planète Copropriété à Paris. La pose de répartiteurs ou de compteurs calorifiques sera, par ailleurs, dorénavant décidée à la majorité.
Quid des modes de financements … et des oubliés du Grenelle 2 ?
Mais la question de la décision, réexaminée au Grenelle 2, ne suffit pas : comment lever les réticences des bailleurs quant au montant des travaux et partager les coûts avec les locataires ? Certaines aides publiques existent déjà comme l'éco-subvention de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), les aides de collectivités (via les OPATB - Opération programmée d'amélioration thermique et énergétique des bâtiments) mais aussi le crédit d'impôt ou encore l'éco-prêt à taux zéro mis en place par le Grenelle.
Mais l'éco PTZ individuel ''n'est pas adapté à la copropriété'', estime Jean-Loup Taïeb, président de Planète Copropriété. Le bouquet de travaux est ''très contraignant'' et le montant des quotes-parts ''trop faibles''. Le PTZ individuel en copropriété ne représenterait seulement que 1 % des prêts accordés, précise Bruno Dhont. Le groupe de travail du Plan bâtiment Grenelle déplore que l'éco-prêt collectif contracté par le syndicat de copropriétaires, ait été finalement supprimé lors de l'examen du Grenelle 2. Débloqué par tranche en fonction d'un plan voté préalablement, il aurait, selon lui, permis d'atteindre certains objectifs en matière d'efficacité énergétique. Planète Copropriété veut revenir sur cet éco-prêt collectif lors de l'examen du budget 2011. En attendant, l'association propose notamment de tenter de mobiliser les prêts à taux zéro de chaque copropriétaire et de constituer ''un dossier commun''. De son côté, la FNAIM recommande de ''proroger le cumul éco-PTZ et crédit d'impôt sur travaux jusqu'à fin 2012'', sous conditions de ressources, et d'étendre l'éco-PTZ aux résidences secondaires et aux locations saisonnières.
Une autre proposition - déplorée par les acteurs du secteur et la FNAIM - a également été supprimée dans le Grenelle 2 : la création d'un fonds de travaux obligatoire qui aurait permis de prévoir financièrement la réalisation de gros travaux d'amélioration thermique. Ce fonds existe déjà en Allemagne, aux Pays-Bas ou au Québec. ''Il s'agit pourtant d'une proposition sociale car c'est une nécessité pour les plus modestes. On ne demande que 100 € par an'', a regretté Bruno Dhont. Aujourd'hui, les copropriétaires peuvent seulement constituer une épargne préalable volontaire.
Est également regrettée : la non éligibilité des copropriétaires aux certificats d'économie d'énergie (CEE) pour la seconde période (2010-2013). Seuls les obligés (les fournisseurs d'énergie), les collectivités, les bailleurs sociaux et l'Anah pourront valoriser leurs économies sous forme de CEE. Les copropriétaires ne pourront donc plus vendre directement leurs CEE lorsqu'ils feront des travaux de rénovation. L'ARC craint que les sociétés d'efficacité énergétique ou de travaux liés aux obligés proposent aux copropriétés de racheter les kWh Cumac économisés à un bon prix pour emporter les marchés de travaux et de prestations, et qu'elle cherche à obtenir en contrepartie la signature par les syndicats de copropriétaires de contrats de prestations et de fourniture d'énergie sur des longues durées.
Des prédiagnostics pour estimer les économies d'énergies générées
Parmi les autres mesures phares du Grenelle 2 figure la réalisation obligatoire, à compter de 2012, d'un audit énergétique pour les grandes copropriétés de plus de 50 lots (logements, commerces, mais aussi parkings et caves…). Pour les petites et moyennes copropriétés, la loi instaure un Diagnostic de Performance Energétique (DPE) collectif dans les immeubles avec chauffage collectif. Ces prédiagnostics devront être réalisés avant le 31 décembre 2016. Les audits ''permettent d'impliquer en amont les copropriétaires pour préparer des plans pluriannuels de rénovation'', selon Bruno Dhont. Le contrat de performance énergétique (CPE), inscrit dans le texte, doit également permettre de réaliser des économies d'énergie pour couvrir à terme les dépenses engagées dans les grandes copropriétés.
Les dispositions du Grenelle 2 ne seront effectives qu'après parution des décrets d'application. Mais les membres de l'association Planète Copropriété auraient voulu ''aller encore plus loin'' pour sensibiliser les copropriétaires à la nécessité d'éco-rénover. L'association et la FNAIM réitèrent leur proposition de rendre obligatoire les fonds travaux énergétiques. Planète Copropriété propose en outre d'étendre l'audit et les CPE à l'ensemble des copropriétés, même si le DPE ''est deux fois moins cher''. Elle recommande également de créer une fiscalité spécifique et une attractivité pour les plans d'épargne des copropriétés. Une éco-taxe, selon elle, serait aussi un formidable ''levier'' à la prise de décision…